histoire de la commune de Le Tanu et Noirpalu, département de la Manche
18 Mai 2021
photo Réfugiés, Saint-Pois. 10/08/44 = [Dans la cour de l'école, une femme et une fillette se reposent au milieu de bicyclettes et de balluchons]
plusieurs familles de Sainte Croix de Saint-Lô, de La Barre de Semilly arrivent à la Vesvalière, au début de Juillet pour en repartir vers la mi-août après le passage des américains,
au bourg : des familles de Baudre, de Sainteny,
au Fougeray : des familles de Périers, de Saint Sébastien de Raids
source : Raymond Martin
au Fougeray aussi, dans la famille de Emile et Renée Fouché :
2 familles venant de RAIDS ont été accueillies
Madeleine Hervieu, épouse Ledoux , est restée en contact avec la famille Fouché et est venue à leur inhumation, les liens perdurent encore entre les enfants.
dont Charlette (qui avait 4 ans), devenue ensuite épouse Seningue
source : Mme Christiane F. C.
Le ravitaillement ( pendant cette période difficile),
la ration journalière de pain est extrêmement maigre et quel pain, mais dans la commune quelques anciens fours sont remis en fonction,
le meunier moud clandestinement la nuit et arrive à dépanner tous ceux qui peuvent lui apporter du blé, tous ces réfugiés qui arrivent avec, dans leurs voitures, quelques sacs de farine ou de blé sont heureux de pouvoir faire du pain,
Mais les contrôles deviennent plus stricts et des agents du rationnement, notamment un certain contrôleur des contributions indirectes accompagné d’un gendarme (qui n’est pas resté longtemps à La Haye Pesnel ), s’offrent la fantaisie de venir sceller les fours, ils doivent y renoncer car certains ne seront scellés que quelques minutes et remis en action sous bonne garde,
Raymond Martin
photo France. 24 july 1944 = [Un centre d'accueil pour les réfugiés : un père et ses quatre enfants] Sainte Marguerite d’Elle
Les réfugiés de Saint-Lô et des environs avaient
petit à petit quitté Baudre pour s’éloigner vers le Sud
ou vers l'Ouest cherchant un abri plus sûr.
Au début de juillet, les habitants de Baudre restés
seuls dans leurs fermes et leurs maisons, s'attendaient
à devoir partir car la zone des combats se rapprochait.
Le 7 juillet quelques-uns s’en allèrent, mais c'est le
9 juillet que, sur l'ordre de la Feldgendarmerie,
l' évacuation systématique se produisit.
Il fallut alors rapidement charger dans un véhicule,
le plus souvent des « bannes» ou des carrioles,
le nécessaire à une vie errante. D'une manière générale on
pensa aux provisions, au couchage (matelas ou lit de
plume), au linge et aux objets précieux.
Avec un ordre de réquisition délivré le jour même
par les services de la Préfecture séjournant encore à
Baudre, les petits convois de véhicules se regroupe-
ment aux abords du pont de Gourfaleur, pour prendre
la route de Tessy. Après un premier séjour de quel-
ques heures dans un centre de regroupement : à Saint-
Romphaire, chaque groupe poursuivit sa route
quelquefois accompagné de soldats allemands.
Les troupes allemandes profitèrent d’ailleurs des colonnes
de réfugiés pour abriter leurs tanks des attaques aériennes alliées.
Mais revenons au moment du départ. Chacun avait
pris les objets essentiels pour vivre quelques jours en
attendant d'être arrivé dans la commune de repli.
Dans la précipitation du départ, tout cela paraissait très
normal. Vingt-cinq ans après, M. Feuillet se souvient
des trois quintaux de blé qu’il emporta en abandonnant
au bourg le linge familial qui aurait été très utile par la suite.
c’est probablement Paul Enguerrand qui partit
avec l’approvisionnement le plus complet : trois quintaux
de farine, des volailles, le pot à lard, des jambons
fumés et pour les «coups durs ››, un petit baril de calvados.
Il n’alla pas plus loin que Montabot.
De Fumichon, les familles Herbert, Butet et Feuillet
se dirigèrent vers Le Tanu; les Leconte vers Bréhal
et les Lebel vers Bricqueville.
Les familles Thiébot, Nouet, Loisel, Hébert se réfu-
gièrent à La Lande d’Airou; la famille Montagne à
Bourguenolles.
La famille Aubril s'en alla à La Mouche, Mme Aubril
emportant sa machine à coudre, dont elle ne voulut à
aucun prix se séparer; la famille Demortreux partit avec eux,
Le meunier, Jules Hélaine, se dirigea vers Poilley;
son voisin Roger Nouet vers Coulouvray-Boisbenastre.
D'autres encore se réfugièrent dans les régions de
Saint-Denis-le-Gast et Percy, comme la famille Lepage.
La famille Marie, de la Bedellerie, prit la route avec
quatre vaches. Elle alla jusqu'en Mayenne et revint
avec son petit cheptel intact. La famille Cirou se réfu-
gia à Beauvoir. Mme Legraverend, ses enfants et Mme
Perrin allèrent jusque dans les Deux-Sèvres grâce à
un relais de voitures à cheval réquisitionnées par les
maires des communes traversées.
Le maire, M. Blouet, réalisa un véritable exploit en
parcourant en voiture à cheval le trajet de Baudre
à Mortagne-en-Perche en trois jours. Il allait rejoindre
son gendre, blessé dans un bombardement, en passant
dans les itinéraires des convois américains, malgré les
interdictions de ces derniers.
Dans cet exode, les bombardements par obus, les
mitraillages étaient les dangers quotidiens. La Famille
Lamy de Fumichon trouva la mort en passant à Villebaudon.
Les émotions furent parfois assez fortes au moment
des derniers contacts entre les troupes de choc amé-
ricaines et les Allemands. Chacun garde en soi le souvenir
de craintes ou d'angoisses qui paraissent maintenant
bien lointaines et comme un peu irréelles. Et pourtant !
Le premier à revenir fut Eugène Leconte qui était
de retour à la Haranguerie, le lundi 24 juillet alors que
les combats dans le secteur de la route de Saint-Jean
des Baisants cessaient à peine.
Les Américains furent un peu étonnés de le voir
traverser Saint-Lô et il y avait de quoi puisque les der-
niers Saint-Lois restés dans la ville ne purent la
quitter que le 25 (1).
L'artillerie américaine installée dans le champ de course
et à Cotigny tirait encore en direction de Torigni.
Joseph Aubril revint vers le 2 août à vélo, avec le fils
Demortreux. Torigni n’était pas encore libéré.
Le jeune Pierre Montagne rentra lui aussi à vélo le 7 août.
A partir du 9 et jusqu’au 15, chaque jour vit une famille
de retour dans sa maison plus ou moins pillée.
Rentré au moulin le 14 août, Jules Hélaine devait
dès le lendemain évacuer à nouveau sa maison sur ordre
des Américains. C'est en effet ce jour-là, vers
midi, que le ruisseau de Fumichon devint soudaine-
ment un brasier menaçant, noyé qu'il était d'essence
fuyant des pipe-lines.
Ce second exode, qui dura quinze jours se passa au
village des Barrières qui domine le moulin. Cette
essence que pendant de nombreux jours on put puiser à la
casserole dans les trous des prés, fut une providence
pour beaucoup.
A peine rentrés, les fermiers se mirent en devoir
de faucher le loin qu'on n’avait pu faire, et pour cause,
au mois de juin. Mauvais foin mais nécessaire. Il fallut
aussi reconstituer petit à petit un cheptel égaré un peu partout,
lorsqu’il n’était pas décimé. Le grain à son tour fut moissonné.
La vie reprenait son cours.
Il n’est pas inutile d'ajouter que si cet ouvrage a pu
être écrit, c’est grâce à la précaution prise par le maire
et la secrétaire de mairie qui enfouirent sous un hangar
les archives communales avant de partir et les
sauvèrent ainsi d'une destruction certaine.
récit de Georges Menant, Saint-Lo au Bûcher, M,Lantier